Raison et sentiments sont joués par deux soeurs, Elinor et Marianne. Elinor incarne la raison conforme aux usages du monde, tandis que l'intrépide Marianne parie sur le sentiment. Mais à l'une et l'autre de ces jeunes filles en fleurs manque l'atout indiscutable, la clé de toute réussite en ce monde : l'argent. Il leur faut donc chercher mari.
La Critique par Matt' :
Je déterre cette vieille critique de Raison et sentiments que j'avais posté sur un vieux (encore) blog de critiques qu'il faut que je supprime, d'ailleurs. Je la remets un peu au goût du jour pour vous ! Je tiens à préciser que j'avais lu le roman en français parce qu'à l'époque je ne lisais pas du tout en anglais. Bon, encore aujourd'hui je lis encore des Jane Austen en français parce que c'est plus simple comme ça, mais j'en ai aussi lu en anglais. BREF. Trêve de bavardages.
Raison et sentiments, c'est donc l'histoire de deux sœurs, bon, elle ont une troisième sœur, mais trop jeune pour qu'on s'intéresse à elle. L'aînée, donc, Elinor (avouez qu'elle a un joli prénom) est très raisonnable (sans blague) et pense aux autres avant de penser à elle. Au contraire, Marianne, sa cadette, est du genre à s'enflammer pour tout : c'est une sentimentale, qui écoute son cœur et jamais sa raison. Elles vivent avec leur mère, Mme Dashwood, et leur petite soeur Margaret. Suite à la mort de leur père/mari, elles doivent déménager dans une petite chaumière et font la connaissance de nouvelles personnes. Marianne s'éprend de Willoughby, persuadée qu'on ne peut aimer qu'une seule fois dans sa vie. Elinor, elle, pensant éprouver un amour partagé avec Edward Ferrars, voit ses espérances tomber à l'eau quand elle apprend qu'il s'est promis à une autre qu'elle.
Ce que j'ai apprécié, c'est la façon dont Jane Austen creuse énormément les personnalités de ses personnages, surtout des deux héroïnes. Certes, elle exagère sans doute volontairement leurs caractères respectifs pour nous montrer ce qu'il arrive lorsque l'on écoute que son cœur ou que sa raison. Mais Elinor et Marianne sont toutes deux attachantes. Les personnages secondaires, dont Mme Jennings, leur aimable et riche voisine, leur frère John Dashwood, leur belle-sœur Fanny ou ce bon colonel Brandon, sont eux-aussi intéressants à regarder évoluer. Bref, les personnages tiennent tous la route, même si on a parfois l'impression (je dis bien l'impression) qu'il y a d'un côté les bons, de l'autre, les vilains. Cela dit, ce n'est qu'une impression, qui se dissipe assez rapidement.
La plume de l'auteur est agréable, c'est simple à lire sans être pour autant mal-écrit (haha), bien au contraire ! Jane Austen utilise beaucoup d'ellipses pour parvenir à ses fins, mais on ne lui en veut pas. Cela pourrait surprendre, mais on comprend vite que c'est nécessaire dans un roman comme celui-ci. Il manque peut-être quelques descriptions, sachant que Jane Austen se base surtout sur la narration pour raconter son récit. On aimerait en savoir plus quant au physique des personnages, hors elle indique rarement comment ils sont. De même que les habitations, paysages. En fait, l'écrivain décrit beaucoup les sentiments et impressions de ses personnages, mais uniquement parce que dans son roman, c'est nécessaire : Raison et sentiments est un livre racontant, bah, euh... des sentiments.
On pourrait croire que tout est trop prévisible (c'était ce que j'avais trouvé en lisant Orgueil et Préjugés et qui m'avait un peu déçue) mais en fait, là, non. On passe de rebondissements en rebondissements, on a à peine le temps de souffler qu'un nouvel événement arrive, apportant son lot de péripéties. C'est haletant, même si ça s'essouffle un peu sur la fin, qu'il est aisé de deviner une fois les trois quarts du roman dévoré. Cela dit, même lors des dernières pages, Jane Austen parvient encore à nous surprendre.
Bon, par contre, il va falloir m'expliquer quel est ce cliché à propos du premier amour, comme quoi quand on est jeune, on est pas vraiment amoureux, blablabla. D'autant plus que c'est un peu contradictoire, cette théorie, parce qu'une des deux sœurs s'en sort parfaitement avec son... premier amour, tiens donc. Bon, je pense que Austen veut en fait nous mettre en garde : mieux vaut ne pas écouter que ses sentiments, ou on peut être aveuglé. Cela dit, on est tous un peu naïfs quand on est jeune, et je ne connais personne d'aussi raisonnable et sage qu'Elinor, surtout à un âge pareil. Donc bon.
D'autre part, il faut aimer ces romans qui ne semblent destinés qu'à une lecture féminine. Ouais, c'est un peu dommage, quand même. Ce n'est pas parce que le sujet traite de l'amour et des sentiments que c'est FORCEMENT réservé aux filles, quoi. Alors que quand on lit Raison et sentiments, on se demande un peu... je sais pas, les personnages masculins (voir après) sont tous plus détestables ou mal-lotis les uns que les autres. Déjà, Mme Dashwood et Mme Jennings (sans oublier Mme Smith et Mme Ferrars) sont toutes les deux veuves, alors qu'on ne les imagine pas si vieilles que ça. Euh, ou alors Jane Austen qu'elle n'aimait pas son père, mais il me semble pourtant avoir lu l'inverse. Bref, elle a décidé de se passer de pères dans cette histoire. Soit.
Sinon, c'est un roman centré exclusivement sur les émotions et sentiments, donc ça peut, à la longue, je dis bien, à la longue, devenir un peu ennuyeux. Pour ma part, je trouve qu'en un seul roman on n'a pas le temps de se languir. Juste un conseil : ne pas lire deux romans de ce genre à la suite, par exemple, si vous venez de lire un Brontë, évitez un Austen, vous risqueriez de trouver ça quelque peu rébarbatif. Un de temps en temps permet de mieux apprécier cette plume à la saveur unique, et ces personnages riches en couleurs (enfin, c'est mon humble avis).
Pour replacer l'histoire dans, son contexte, Raison et sentiments vous en apprendra un peu plus sur l'état d'esprit de l'époque. Les jeunes filles, dès leur plus jeune âge, sont élevées avec pour but : faire un bon mariage. Évidemment, elles vont partager leur vie (si tout va bien) avec leur mari, donc il faut qu'il soit riche, ou alors qu'elles l'aiment, selon les familles. La première clause l'emportant souvent sur la deuxième (dans le roman, en tout cas). Le sujet du roman (l'amour) semble donc tout de suite bien plus justifié.
Raison et sentiments, c'est donc un roman qui se lit très vite, qui fait réfléchir sur la manière d'aborder la vie et l'amour. Mais cela fait surtout réfléchir sur la façon dont les femmes de l'époque pouvaient vivre et la façon dont elles étaient perçues par la société. Ce point, récurrent chez Jane Austen, ce qui fait d'ailleurs la spécificité de ses romans, est la raison pour laquelle j'apprécie autant lire des romans d'Austen. L'ironie de la plume d'Austen est également l'un des points que je préfère et que l'on retrouve très bien dans Raisons et sentiments. Cela dit, il ne faut pas s'attendre à verser toutes les larmes de son corps non plus, hein. Les deux Jane Austen que j'ai lus se terminent bien (un peu trop même) et quand rien ne va plus et qu'on pense que tout espoir est perdu, l'auteur parvient encore à renverser la situation. Au final, les « méchants » de l'histoire sont punis et les « gentils » récompensés. Et, d'un certain côté, c'est bien dommage, parce que dans la vie, ce n'est pas toujours comme ça (heureusement sinon on s'ennuierait.) Mais pour passer un agréable moment, et parce que les romans de Jane Austen demeurent des incontournables de la littérature anglaise, il faut le lire (en anglais, si vous êtes courageux [pas comme moi]). C'est léger et frais, et ça fait du bien !
Note finale
8/10
8/10